Le goémon
Le goémon est tel, loin de l’abri de l’eau,
Qu’il n’est même plus bon à donner au pourceau
Qui s’écrierait, voyant la pauvre nourriture :
"Mais qu’est-ce que cela ? C’est de la pourriture !..."
L’algue souffre en silence et se transforme en pierre
Comme un arbre ciblé que touche le tonnerre,
Puis il ressent la mort dans un dernier sursaut
Tandis que le soleil ricane tout là-haut.
Un si triste destin, parfois, je le compare
A celui qui est mien, aussi, je m’y prépare
Car les ans ont le poids, la force du soleil,
Être homme ou goémon, qu’importe !... c’est pareil
La peau va se rider avant de devenir
Semblable au parchemin que l’on n’ose saisir,
Car la pression d’un doigt éclaterait la page
Desséchée et usée, affaiblie par son âge.
Dès cet instant, déjà, elle est en communion
Avec la vie, la mort. Dans cette étrange union
L’on sent la nostalgie qui envahit le cœur
Et de notre passé on goûte la chaleur.
L’on a pris le parti de regarder l’horloge
Qui égrène le temps. Parfois l’on s’interroge :
"Quand donc viendra le jour où tout sera fini ?
Dans un an, dans un mois ou demain ? Aujourd’hui ? "
Dieu, qui nous voit au ciel, par un air de reproche
Dit : - "Tu sembles pressé que ton âme décroche,
Tu parais bien certain de parvenir aux cieux
Mais je crois que tu es un peu trop orgueilleux.
Ne sois pas impatient, tu auras ta réponse.
Pour attendre, dis-toi que le coup de semonce
Est un ordre impérieux d’arrêter toute erreur,
En poursuivant l’on peut sombrer dans la terreur.
J’ai programmé ta vie, ton destin et ta mort,
Tu crois être ton maître, or je détiens ton sort,
N’éprouve pas de crainte à te laisser guider
Mais repousse l’enfer où tu pourrais tomber.
Prépare-toi dès lors au rachat de ton âme,
Rejette de ton cœur ce qui peut être infâme,
Quand je t’appellerai, tu ne sentiras rien,
La mort sera vaincue, et tu seras très bien.
